
Parler du corps féminin autrement: de la puberté à la ménopause
30 octobre 2025Pendant des générations, les règles ont été traitées comme un détail biologique, une mécanique intime qui se répète mois après mois.
Mais derrière ce phénomène cyclique se joue une réalité bien plus vaste, bien plus sensible : une influence directe sur la santé mentale, les émotions, la perception de soi et la qualité de vie.
En 2025, un ensemble d’articles publiés dans Frontiers in Psychiatry a ouvert une porte essentielle : celle de la compréhension globale et scientifique de la santé menstruelle.
Un travail ambitieux, international, interdisciplinaire, qui confirme enfin ce que des millions de personnes ressentent depuis toujours :
les règles ne concernent pas seulement le corps — elles concernent toute la vie.

Les troubles prémenstruels : un vécu psychique longtemps incompris
La revue systématique menée par Brown et son équipe (2024) est, à ce jour, l’une des analyses les plus approfondies sur le vécu des personnes atteintes de SPM (Syndrome Prémenstruel) et de TDPM (Trouble Dysphorique Prémenstruel).
Le SPM regroupe l’ensemble des symptômes physiques et émotionnels qui surviennent avant les règles, tandis que le TDPM en représente la forme la plus sévère, caractérisée par des troubles affectifs intenses pouvant impacter profondément la vie quotidienne.
Ses conclusions sont sans équivoque : ces troubles ne relèvent ni d’une fragilité personnelle ni d’une exagération culturelle. Ils constituent un véritable enjeu de santé mentale.
Les femmes décrivent une transformation cyclique profonde : irritabilité aiguë, anxiété, labilité émotionnelle, crises de larmes, sentiment de perte de contrôle.
Certaines parlent d’un état “où je ne suis plus moi-même”.
D’autres évoquent un brouillard qui engloutit leurs certitudes et leur patience.
Ces symptômes s’immiscent dans chaque espace de la vie :
— dans la parentalité, où la culpabilité peut devenir dévorante ;
— dans la vie de couple, où l’incompréhension fragilise les liens ;
— dans la sphère professionnelle, où les absences et les difficultés de concentration minent la confiance et la carrière.
La recherche le confirme : ces symptĂ´mes ne sont pas seulement intenses, ils sont structurellement invalidants.
Et pourtant, des milliers de femmes vivent cela en silence, faute de diagnostic, de prise en charge ou même d’écoute bienveillante.
L’impact du trauma : une vulnérabilité inscrite dans l’histoire du corps
Une seconde étude clé du Research Topic met en lumière un lien puissant entre les traumatismes infantiles et la sévérité des troubles prémenstruels.
Les femmes ayant vécu des expériences telles que l’abandon, la violence ou l’insécurité émotionnelle présentent un risque accru d’intensification prémenstruelle.
Ce phénomène s’explique par la manière dont le cerveau, les hormones et le système de stress interagissent.
Le cycle menstruel, loin d’être un simple processus biologique, devient un espace où certaines sensibilités anciennes se réveillent, se déploient et parfois débordent.
Cette compréhension ouvre une voie essentielle :
accompagner les troubles menstruels nécessite d’intégrer l’histoire émotionnelle, les blessures et la trajectoire psychologique.
Chez Jasminrose, nous le constatons chaque jour dans nos ateliers :
certains corps portent des histoires lourdes, anciennes, silencieuses…
et ces histoires réapparaissent parfois au rythme des hormones,
comme si le cycle rendait visible l’invisible.
Culture, tabous et silence : un poids qui aggrave tout
Le dossier scientifique révèle aussi combien le contexte culturel influence la souffrance menstruelle.
Dans de nombreuses régions — rurales, conservatrices ou fortement marquées par les normes patriarcales — les menstruations demeurent un tabou.
Les femmes y apprennent Ă se taire,
Ă minimiser leurs douleurs,
à “faire avec”,
à traverser seules leurs tempêtes émotionnelles.
Ce silence pèse lourdement :
— il retarde les diagnostics,
— isole les adolescentes,
— renforce la honte,
— perpétue des mythes dangereux.
Dans certains pays, la stigmatisation est double :
celle d’être menstruée,
et celle d’être perçue comme “trop émotive”, “instable” — autrement dit, le stigmate de la santé mentale.
Le résultat ?
Des souffrances invisibles, confinées à la sphère privée, rarement prises au sérieux.
Chez Jasminrose, nous affirmons clairement :
il est temps d’accorder aux règles la place qu’elles méritent dans la santé publique, l’éducation et la culture.
Les coûts invisibles : un enjeu économique majeur
Au-delà de la détresse individuelle, les troubles prémenstruels ont un coût collectif considérable.
Les études montrent que les personnes souffrant de TDPM ou de symptômes sévères perdent en moyenne plusieurs heures de travail par mois — parfois des journées entières.
Le présentéisme — être physiquement présente mais incapable de se concentrer — alourdit encore l’impact.
Les estimations atteignent plusieurs milliers de dollars par an et par personne, sans compter le coût émotionnel, familial et social.
La santé menstruelle n’est donc pas un luxe, ni un sujet secondaire.
C’est un impératif de santé publique.
Vers une nouvelle discipline : la psychiatrie menstruelle
Le Research Topic se conclut par une proposition visionnaire :
la création d’une discipline dédiée à la compréhension du lien entre cycle menstruel et santé mentale.
Une discipline qui intégrerait :
— la biologie hormonale,
— la psychologie,
— les neurosciences,
— l’histoire personnelle,
— le contexte social et culturel.
Cette approche permettrait d’identifier des conditions encore mĂ©connues, comme la premenstrual exacerbation — l’aggravation prĂ©menstruelle de troubles psychiatriques dĂ©jĂ existants — et d’offrir des soins rĂ©ellement adaptĂ©s.
Si elle se développe, la psychiatrie menstruelle pourrait transformer en profondeur la manière dont les professionnels accueillent, écoutent et accompagnent les personnes menstruées.
Elle pourrait mettre fin à des décennies de minimisation et offrir enfin une compréhension globale du vécu menstruel.
C’est une révolution scientifique
et Jasminrose en est la voix éducative.
Écouter ce que les corps disent depuis toujours
Ce que révèle ce Research Topic, c’est une vérité essentielle :
le cycle menstruel n’est pas un événement périphérique dans la vie. Il en est l’une des pulsations majeures.
Il influence la manière d’aimer, de travailler, d’élever des enfants, de traverser les journées, de réagir au monde.
Il est façonné par les blessures, les histoires familiales, les environnements sociaux.
Il s’inscrit dans un tissu émotionnel complexe, profond, souvent méconnu.
L’ignorer, c’est ignorer une part immense de la santé des femmes.
L’écouter, au contraire, c’est ouvrir la voie à une compréhension plus juste, plus humaine, plus complète.
C’est exactement la mission de Jasminrose :
redonner du sens, de la dignité et du savoir aux expériences menstruelles,
et faire de la connaissance un outil de libération.
Parce que les règles ne sont pas seulement un sang qui coule.
Elles sont un langage.
Et il est temps d’apprendre à le lire.
📚 Pour aller plus loin : lire le dossier scientifique complet
Pour une lecture approfondie des recherches citées dans cet article, vous pouvez consulter le dossier complet publié dans Frontiers in Psychiatry :
🔗 Research Topic — Menstrual Health and Its Impact on Life and Living (2025)
Frontiers in Psychiatry – Collection d’articles scientifiques sur la santé menstruelle et la santé mentale.



